Les révélations de Jean-Michel Blanquer
A l’occasion de la sortie de son livre “La citadelle”, Jean-Michel Blanquer multiplie les interviews et revient sur plusieurs épisodes de son mandat. Dans une interview publiée le 7 septembre dans Nice-matin, il revient sur la censure de la loi Molac en 2021 avec quelques révélations est des contre-vérités. Il déclare notamment “(…) le texte proposait de créer des classes où l’on ne parlait pas du tout le français! Ce n’est pas admissible. (…) Je n’avais pas d’autre choix que d’encourager soixante élus de la majorité à saisir les neuf Sages.”.
La première partie de l’intervention est inquiétante. Si effectivement dans l’enseignement des langues régionales par immersion il existe des temps où la langue française n’est pas utilisée en classe, il convient de préciser que le système prévoit des rééquilibrage afin d’assurer une maîtrise équivalente des deux langues par les élèves. Les multiples évaluations réalisées sous le mandat de monsieur Blanquer n’ont eu de cesse de le démontrer. Maintenir des sous-entendus laissant croire le contraire n’est pas sincère.
La deuxième partie revient sur les manœuvres ayant abouti à la censure partielle de la loi Molac par le Conseil constitutionnel. Malgré les preuves indirectes nombreuses (témoignages, métadonnées du document montrant qu’il avait été rédigé par un membre du cabinet du ministre…) le ministère a toujours nié être à l’origine de la saisine du Conseil constitutionnel par 61 députés. L’ancien ministre rétablit enfin la vérité. Il confirme surtout que l’objectif de la manœuvre était bien une attaque sur l’enseignement par immersion. Pour rappel, la saisine des députés ne portait pas sur l’article 4 de la loi concernant l’enseignement par immersion mais sur l’article 6 sur le forfait scolaire. Ainsi, le gouvernement, ayant la charge éthique de défendre le texte, avait produit un mémoire en défense sur le forfait scolaire, et non sur l’enseignement par immersion. Le Conseil constitutionnel, dérogeant à une règle interne en application depuis plus de dix ans, avait fait le choix d’étudier d’autres articles que ceux cités dans la saisine et décidé de censurer l’article 4 (enseignement par immersion) et l’article 9 (signes diacritiques à l’État-Civil). Jean-Michel Blanquer confirme bien que l’objectif de la manœuvre était celui-là, mais il ne dévoile rien sur la manière dont il a pu anticiper cette décision du Conseil constitutionnel d’élargir son champ d’étude.
Nomination de Madame Anne Genetet au ministère de l’Education Nationale
Ces révélations pourraient n’être qu’anecdotiques si elles ne trouvaient un fort écho dans l’actualité, avec la nomination de Madame Anne Genetet au ministère de l’Education Nationale. En effet, Madame Anne Genetet fait partie de la minorité de députés du groupe La République en Marche ayant voté contre la loi Molac le 8 avril 2021. Elle est également cosignataire de la saisine au Conseil constitutionnel rédigé à la demande de Jean-Michel Blanquer.
En tant que réseau d’écoles associatives d’enseignement des langues régionales par immersion, en attente de corrections des reculs des dernières années, en attente d’arbitrages sur de nombreux dossiers bloqués (contractualisation d’écoles, contractualisation du réseau Scola Corsa, examens en langue régionale, moyens d’enseignements…) nous ne pouvons qu’espérer que les positions de Madame Genetet sur la transmission de nos langues ont évolué, qu’elle a eu ou qu’elle aura l’occasion d’apprendre sur ce sujet plus que les raccourcis de M. Blanquer, et que son rôle en tant que députée des français de l’étranger, ainsi que ses actions de défense de la francophonie en pays anglophone lui ont fait appréhender différemment les questions de diversité culturelle et de langues en situation minorisée.